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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

était réservée à ce premier fruit des bénédictions célestes.

D’abord berger par nécessité, le jeune homme apprit ensuite le métier de charpentier. La vue de la mer lui inspira alors l’idée de tenter le destin sur le perfide élément ; car il se construisit un petit navire qu’il lança sur les flots avec ses espérances, et, peut-être, ses pressentiments de bonheur à venir.

Devenu heureux marin plutôt par habitude que par talent, sa bonne étoile voulut qu’il parvint au commandement d’une frégate ; c’était déjà joli pour un ex-berger. Mais sa chance ne devait pas s’arrêter là ; elle le conduisit sur les côtes de Cuba, où il parvint à retirer des flancs d’un galion espagnol qui avait autrefois coulé à fond près de cette île, la belle trouvaille de 300,000 livres sterling, tant en or et en argent qu’en perles et en bijouteries. Ce qui lui procura d’abord une petite fortune, et ensuite le titre de chevalier anglais.

Notre heureux aventurier était donc devenu Sir William Phips, lorsqu’au mois de Mai 1690, il fut nommé amiral de la flotte destinée à faire la conquête de l’Acadie et du Canada.

Sa bonne fortune sembla d’abord vouloir continuer à lui tendre la main sur ce nouvel échelon qu’elle lui mettait sous les pieds.

Le vingt mai, l’escadre de Phips, composée d’une frégate de quarante canons, de deux corvettes et de plusieurs transports, avec sept cents hommes de débarquement, parut devant Port-Royal, capitale de l’Acadie.

Le gouverneur, M. de Manneval, n’avait avec lui, dans cette place aux fortifications en ruines, que soixante et douze soldats. Voyant que résister serait