Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Ces armes primitives l’avaient empêché de mourir de faim dans sa longue marche à travers les forêts. Un orignal qu’il surprenait se désaltérant au bord d’un lac, une perdrix que son trait allait chercher sous la feuillée, un lièvre que sa flèche arrêtait sur le bord d’un terrier, tels étaient les aliments que le hasard ou plutôt la main prévoyante de la Providence jetait à sa faim.

C’est ainsi qu’après maintes fatigues, après maintes angoisses causées par la possibilité de retomber entre les mains de ses ennemis, le Chat-Rusé revit les bords aimés de la rivière Mohawk.

Mais de cruelles déceptions l’attendaient en sa bourgade. D’abord le prestige d’invincibilité attaché à son passé venait de subir un rude échec, par suite de sa défaite et de sa captivité récentes ; ensuite, comme on l’avait cru mort, un autre chef avait été élu durant son absence. Dent-de-Loup trouva donc fort peu de sympathie à son retour, et vit aussitôt dans son remplaçant un homme fort jaloux du titre de chef qu’on lui avait conféré. Ce que voyant, le Chat-Rusé se tint à l’écart et rendit dédain pour froideur.

Cependant les colons anglais qui s’occupaient alors activement de leur expédition contre le Canada, avaient gagné l’alliance des cantons iroquois. Déjà le Connecticut et la Nouvelle-York avaient obtenu des Agniers, des Sokoquis et des Loups à se joindre aux deux mille hommes de troupes que ces deux états dirigeaient par le lac Champlain contre la Nouvelle-France.

Nous avons vu, dans le premier chapitre, le résultat de ce projet avorté ; il n’est donc nullement besoin de s’y arrêter ici. Disons seulement que Dent-de Loup, dont le ressentiment contre les Français augmentait