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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

à peu près ses manœuvres de la veille, introduisit la moitié de son corps par la porte entrebâillée, tandis que la sentinelle continuait nonchalamment sa marche.

Le Chat-Rusé était étendu sur son grabat. À peine eut-il aperçu celui de qui dépendait sa délivrance, que son œil fauve s’illumina d’un rayon de sauvage espoir.

Il se lève en silence, et marche doucement vers Boisdon qui lui a fait un signe.

Dans un clin d’œil le couteau et la lime apportés par l’aubergiste passent dans la main du sauvage, tandis que ce dernier met furtivement les deux précieuses pépites d’or dans la main difforme de l’hôtelier, qui tremble de désir.

Puis la porte se referme, et l’aubergiste revient tranquillement à son logis.

Le lendemain, Dent-de-Loup avait disparu, sans qu’on pût expliquer comment il était parvenu à scier un des barreaux qui montaient si bonne garde à la fenêtre de son cachot.

Un mois plus tard, vers le milieu de juin, Dent-de-Loup amaigri, harassé, épuisé, rentrait au village agnier où l’on n’attendait rien moins que son retour.

Comment l’Iroquois était-il parvenu, seul et sans armes, à rejoindre ses frères au milieu des périls sans nombre que lui suscitait sans cesse le dangereux voisinage des blancs ?

Le premier soin de Dent-de-Loup, lorsqu’il se trouva dans les bois et à l’abri de toute poursuite immédiate, fut de se confectionner un arc et des flèches, à l’aide du couteau que lui avait procuré Jean Boisdon. Manquait une corde ; mais elle était toute trouvée, vu que le sauvage l’avait tirée de son grabat dont il avait mis, durant le dernier jour de sa captivité, les meilleurs fils à profit.