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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Boisdon fils voulut bien suivre son père, afin de voir aussi ce sauvage dont il venait d’entendre parler d’une manière propre à chatouiller son imagination. Mais son digne papa lui ayant signifié de l’attendre à la cuisine, force fut au gamin d’endurer, sans se plaindre, la démangeaison de curiosité.

Après avoir parcouru plusieurs corridors, Boisdon et son guide arrivèrent à la porte d’une chambre dont la fenêtre regardait sur la rue.

Mais un soldat armé qui montait la garde à l’entrée de cet appartement, leur en défendit l’accès en croisant son arme.

— Monsieur le soldat, dit alors l’apprenti cuisinier, tandis que Boisdon se retirait à distance respectueuse de la baïonnette[1] dont le mousquet du militaire était armé, maître Saucier vous prie de laisser voir le sauvage à son ami M. Boisdon.

— Ah ! vous êtes M. Boisdon ? dit le militaire en relevant son mousquet.

— Oui, monsieur.

— Monsieur Jean Boisdon, hôtelier ?

— Oui monsieur… pour vous servir.

Le soldat ne voyant rien de menaçant dans la contenance et la mine de l’aubergiste, fit faire un tour à la clef qui était demeurée dans la serrure, et ouvrit la porte à notre curieux, tandis qu’il se retirait un peu en arrière.

Le marmiton, qui avait probablement vu plus d’une fois l’homme des bois, ne jeta qu’un regard distrait dans la chambre du captif, et s’en alla d’où il était venu.

  1. Ce fut sous Louis XIV que l’on introduisit l’usage de la baïonnette dans l’armée française.