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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

— Mais, puisque nous en sommes sur le vin, reprit Boisdon, en voici quelques bouteilles que je vous apporte pour l’office, comme vous me l’avez fait demander.

— C’est bon ! c’est bon ! Je vais vous les payer tout de suite, répondit le cuisinier à qui l’argent de son maître pesait moins aux doigts que le sien. Rien de nouveau, en ville, monsieur Boisdon ?

— Non ; et par ici ?

— Pas grand’chose… à part le sauvage.

— Quel sauvage ?

— Le chef de ceux que nos gens ont amenés d’en haut, l’autre jour.

— Oh ! oui ; on m’a dit en effet que beaucoup de monde venait le voir de ce temps-ci. Eh bien ! s’est-il sauvé, votre sauvage ?

— Se sauver ! vous croyez que c’est aussi aisé que ça, vous. Il a eu beau s’affiler les dents sur les os de ses semblables, je vous assure qu’elles ne sont pas encore assez pointues pour ronger les murs et les barreaux de son cachot. Mais il est drôle à voir, tout de même.

— Comment donc ! fit l’aubergiste dont la curiosité entr’ouvrit tant soit peu les yeux microscopiques.

— Imaginez-vous, monsieur Boisdon, répondit avec empressement le cuisinier tout charmé d’avoir amené la conversation sur un terrain moins glissant que le premier, imaginez-vous que c’est une espèce de singe que ce sauvage-là. Pendant les deux premiers jours qu’il a passés ici, il s’est tenu tranquille. Mais, depuis la semaine dernière, ne voilà-t-il pas qu’il s’est mis à sauter, à pirouetter, à s’agiter enfin qu’on peut mourir de rire rien qu’à le voir. Joignez à cela qu’il vous entonne par temps des chansons qu’il chante d’une