Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Comme rien ne nous indique que cet abus n’avait pas pris naissance chez les Boisdon (nom tout-à-fait engageant pour les pratiques) nous avons tout lieu de croire que Jean, second du nom, était en train de faire tranquillement fortune, bien qu’il ne fût plus seul hôtelier à Québec, comme son père, lorsqu’il se présenta au château Saint-Louis par une belle journée de mai de l’an 1690. Il portait un chapeau pointu, un habit brun, des chausses hautes et enrubannées, un pourpoint serré avec un collet de batiste à glands.[1]

L’hôtelier qui fournissait de certains vins l’office du château était suivi d’un petit Boisdon, premier fruit de ses amours légitimes avec dame Javotte, son épouse.

Tandis que le jeune garçon portait à force de bras un panier de vin, le père s’essuyait le visage en respirant bruyamment, fatigué qu’il était par l’ascension du monticule sur lequel était bâti le château.

Suant et soufflant, notre homme opéra son entrée dans la résidence du gouverneur par une porte qui ouvrait sur une des dépendances.

Jean Boisdon, toujours suivi de sa progéniture, fit quelques pas dans un corridor assez sombre, et se dirigea vers une porte enfoncée qui donnait sur les cuisines. Ici, en homme bien appris, notre aubergiste frappa pour s’annoncer.

— Ouvrez, cria de l’intérieur une voix nasillarde.

— Bonjour, père Saucier, dit Boisdon, qui, en ouvrant la porte, salua fort amicalement un petit homme gras, à figure réjouie, à ventre rebondi. Celui-ci écumait gravement un pot-au-feu dont le fumet alla chatouiller agréablement le nez recourbé du nouveau venu.

  1. Tel était, selon Monteil, le costume d’un homme du peuple à la fin du 17e siècle.