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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

logé se trouvaient défendues par certains barreaux de fer à vigoureuse apparence, on n’avait aucune inquiétude à son égard, et il pouvait arpenter son logis en tous sens et en toute liberté de mouvement. Ce que voyant, le Chat-Rusé se livra à la pratique de la gymnastique : c’est-à-dire qu’il passait ses journées à sauter, à s’étirer bras et jambes, probablement pour se remettre des grandes fatigues de la route qu’il venait de faire. Mais du reste, il se montrait si bonhomme, qu’on ne voyait aucun mal à ce qu’il pût charmer ainsi les ennuis de sa captivité ; on ne restreignit donc en rien le jeu de ses muscles.

Ses gardiens auraient pourtant conçu les soupçons les plus graves, s’ils avaient pu voir quelles furieuses accolades il donnait, de nuit, au grillage qui le séparait de la liberté. Car, lorsque venaient les ténèbres, l’enfant de la forêt quittant son grabat en silence, allait se suspendre aux barreaux de sa prison ; et là, arc-boutant son corps, roidissant ses muscles, il donnait d’effroyables secousses à ces solides tiges de fer. Ses doigts saignaient, ses bras se tordaient, ses muscles craquaient en vain dans ses efforts effrénés ; rien ne cédait, rien ne ployait.

Alors, brisé par la fatigue, vaincu par l’inutilité d’une pareille lutte, éperdu, haletant, Dent-de-Loup retombait tout rompu, en jetant un regard de désespoir vers les étoiles qui scintillaient là-haut dans le libre espace du firmament.

Quinze jours se passèrent ainsi ; ainsi s’écoulèrent quinze nuits terribles où l’homme des bois se tordit enragé sur les barreaux inébranlables de sa prison.

Or, à cette époque, vivait à Québec un certain Jean Boisdon, hôtelier de son métier. Son père Jacques Boisdon, avait été le premier Canadien autorisé à tenir