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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Dent-de-Loup rentrait au village en regardant d’un œil fier les femmes mohawks se presser sur son passage pour compter les scalps sanglants qui pendaient à sa ceinture en guise de trophée, plus d’une jeune indienne disait-elle en soupirant : « Heureuse sera celle qui habitera le ouigouam du plus vaillant des braves ! »

Ce qui n’empêchait pas que Dent-de-Loup comptât vingt-huit printemps au moment où nous l’amenons en scène, sans qu’aucune femme eût jamais trouvé la voie de son cœur. L’amour n’avait pu mordre sur cet homme d’acier qui ne semblait s’enivrer que de sang, et ne voir de bonheur que dans l’exaltation de la mêlée.

Nonobstant son bras terrible et ses jarrets nerveux, Dent-de-Loup fut fait prisonnier par les Canadiens qui composaient l’expédition de Schenectady. Notre chef s’était posté en embuscade sur le passage de ces derniers et tomba sur eux à l’improviste, comme ils revenaient au pays. Mais, cette fois, la victoire lui lâcha la main, et il s’affaissa blessé sur un monceau de cadavres que sa terrible hache avait abattue autour de lui.

En le voyant tomber, les siens prirent la fuite, et Dent-de-Loup, solidement garrotté, fut amené à Québec au printemps de cette même année mil six cent quatre-vingt-dix.

Ses blessures s’étaient cependant cicatrisées en chemin ; et les forces lui étaient presque complètement revenues, lorsqu’on l’enferma dans une des salles basses du château Saint-Louis. On savait qu’il était chef et c’était un précieux otage qui aurait son prix dans un échange de prisonniers.

Comme les fenêtres de l’appartement où on l’avait