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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

vagues qu’une légère brise de sud-est faisait quelque peu moutonner, et s’inclina vers l’homme du canot en lui disant à l’oreille :

— Te rappelles-tu bien toutes mes instructions ?

— Dent de-Loup a toujours les oreilles ouvertes pour entendre la voix d’un ami, répondit l’autre.

— C’est bien ! mais sois prudent.

— Les frères de Dent-de Loup l’ont aussi appelé le Chat-Rusé, repartit l’homme du canot.

— C’est bon ! pars, et reviens vite, fit l’homme de l’échelle en congédiant l’autre du geste.

Ce dernier plongea son aviron dans l’eau et disparut.

Quelque lecteur a peut-être trouvé singulier le langage et le nom de Dent-de-Loup ; la secrète mission dont il est chargé peut avoir aussi donné l’éveil à la curiosité des lectrices. S’il en est ainsi, nous ferons d’abord la connaissance de ce mystérieux personnage ainsi que de quelques-uns de ses antécédents, et nous exposerons, dans un autre chapitre, le motif qui lui fait quitter la flotte à pareille heure.

Dent-de-Loup appartenait à la grande nation iroquoise et faisait partie de la tribu redoutable des Agniers qui habitait les bords de la rivière Mohawk, laquelle se jette dans l’Hudson. C’était l’un des plus puissants chefs de sa tribu, comme l’un des plus intrépides guerriers qui aient jamais réveillé de leurs cris de combat l’écho des forêts de la Nouvelle-France.

Dent-de-Loup mesurait six pieds de haut, et ses membres avaient atteint un développement en harmonie avec sa grande taille. Doué d’une force musculaire peu commune, il était la terreur des tribus rivales. Car profonde était la morsure de son tomahawk, quand il s’enfonçait en sifflant dans un crâne ennemi.

Aussi, lorsque, au retour d’une expédition de guerre,