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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

que cette alliance de vigueur et de délicatesse native. Elle était de race noble, et le soleil avec l’air pur des forêts du Nouveau-Monde, n’avaient contribué qu’à donner plus de force à la sève de la jeune fleur, qui, bien que transplantée, n’avait perdu aucune qualité distinctive de sa classe ! Sa tête était coiffée en cheveux moitié crêpés et moitié bouclés. Elle portait une robe de velours noir entr’ouverte sur la gorge et garnie de plusieurs falbalas. Comme elle tenait le bas de sa robe légèrement retroussée, l’on pouvait voir, d’abord une large dentelle qui terminait la jupe de dessous, et ses mignons pieds chaussés de souliers à talons hauts et à fleurons d’or.[1]

Cependant nos jeunes gens venaient d’échanger un de ces magnétiques regards qui en disent plus que cent volumes, lorsque Louis fit son entrée dans la chambre, portant sous chaque bras des bouteilles que les araignées s’étaient complu à habiller d’un tissu de leur façon.

— Cher ami, dit-il en les déposant sur une table, à portée de main, si j’avais à ma disposition les caves du château Saint-Louis, je pourrais fêter dignement ton retour, et la bonne nouvelle de ton avancement. Mais que veux-tu ; il doit naturellement y avoir la même différence entre le cellier du comte de Frontenac et le mien, qu’entre nos personnages respectifs. Cependant, je crois que ce vieux médoc n’est pas dénué de toute saveur. Il provient de la cave du château de ma pauvre tante, et s’il n’a pas encore atteint l’âge de majorité, ce dont je doute fort, nous tâcherons néanmoins de l’émanciper ce soir.

Pendant que Mlle d’Orsy présente des gobelets

  1. Tel était le costume d’une femme de qualité à la fin du dix-septième siècle. Voyez Monteil.