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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

cave, quand les paroles de son hôte le firent se retourner ; dame ! quelque rasade d’un vieux sauterne oublié depuis plusieurs années dans un recoin des celliers ; car on m’a dit qu’il y a grand nombre de bouteilles de vins des meilleurs crûs qui y dorment dans la poussière, en entendant que le maître-d’hôtel fasse luire pour chacune d’elles le grand jour de la résurrection.

— Ah ! ah ! épicurien bavard, que tu en es loin ! Il est bien vrai que je me suis un peu senti enivré tout d’abord, mais je t’assure que le jus divin de la vigne n’était pour rien dans cette ivresse. Enfin, mon cher, ce n’est autre chose que mon brevet d’enseigne dans la compagnie de marine dont tu es lieutenant et que commande mon frère Maricourt.

— Bravo ! bravo ! s’écria Louis qui revint aussitôt sur ses pas broyer amicalement la droite de son ami en guise de félicitation. Nous avons alors double motif de faire sauter un bouchon, dit-il ensuite en reprenant le chemin de la cave.

Tandis que Bienville et Mlle d’Orsy restés seul, se livrent à ces premiers élans du cœur que les lèvres savent si bien traduire entre deux amoureux, le moment me semble des mieux choisis pour crayonner le portrait de mon héroïne. En effet, dans ces courts épanchements de deux amants seul à seul, nulle oreille profane n’est excusable d’intervenir. Leur ange seulement doit être du secret, lui qui voltige entre eux pour recueillir ces aveux pudiques et les reporter au ciel, d’où Dieu même en dispose en faveur de ceux dont l’âme est jeune et pure encore.

Bien qu’elle n’eût pas ses vingt ans, Marie-Louise se trouvait dans toute la force de la beauté féminine. Grande, fraîche et rose, on voyait de suite, que la jeune