Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

deux amis était invariablement celui qui recevait l’autre.

Avant de tracer le portrait de mon héroïne, laissez-moi vous dire qu’elle s’était d’abord levée avec empressement à l’arrivée de Bienville, et portée à sa rencontre. Mais ce premier élan de son cœur, qui s’était ainsi traduit par ce premier mouvement, fut aussitôt comprimé par sa timidité instinctive de jeune fille : elle s’arrêta rougissante et presque confuse.

— Mademoiselle, lui dit le nouveau venu, en s’inclinant avec grâce, je viens un peu tard, n’est-ce pas ?

— Nullement, monsieur de Bienville, lui répondit-elle avec un charmant sourire où son âme semblait s’être arrêtée, tandis que l’incarnat progressif de ses joues en était arrivé au ton le plus chaud. Les amis sont toujours attendus et ne viennent jamais trop tard, ajouta-t-elle en lui tendant la main.

— Tu comprends, François, repartit Louis d’Orsy qui serra la main de son hôte avec effusion ; c’est bien dit, n’est-ce pas ? et, ce qui mieux est, très-sincère. Je m’en porte caution, acheva-t-il en regardant sa sœur qui, ne pouvant plus rougir, était devenue subitement pâle à force d’émotion. — Mais allons ! allons ! trêve de cérémonies ; assieds-toi, et tu nous exhiberas ensuite les nouvelles que tu as pu recueillir sur ta route, de Montroyal à Québec. Il est impossible de n’avoir rien à dire entre un bon ami et sa fiancée, surtout s’il survient à propos un petit gobelet de ce vin que tu sais être bon, et dont il me reste encore quelques flacons en cave. Mais tu n’as pas soupé ?

— Oh ! oui, mon cher, et au château, avec M. de Frontenac, encore. Mais tu ne sais pas ce qui m’attendait au dessert ? Voyons, cherche un peu.

— Dame ! fit Louis qui se dirigeait déjà vers la