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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

sœur et de son meilleur ami, déjà fiancés à l’époque où nous allons entrer en leur intimité.

Maintenant, nos lecteurs ne seront pas surpris de voir le jeune LeMoyne se diriger si lestement vers la modeste demeure qui abritait sa chère amie.

Il pouvait être neuf heures du soir, quand, après avoir quitté M. de Frontenac, il s’arrêta près de la maisonnette but de ses désirs et de sa course.

À la vue d’un tout petit rayon de lumière qui se filtrait fugitif par la fissure de l’un des volets, le jeune homme constata que l’on veillait encore à l’intérieur. Aussi frappa-t-il aussitôt à la porte, après avoir, toutefois, respiré bruyamment pour se remettre en haleine ; car sa marche rapide l’avait essoufflé quelque peu. Des bruits de pas se firent entendre au dedans, puis une voix mâle demanda :

— Qui va là ?

— Bienville.

Quand ce dernier eut ainsi répondu, un bruit de verrous succéda à deux joyeuses exclamations, poussées dans la maison sur deux tons différents, et la porte s’ouvrit toute grande pour se refermer ensuite sur le visiteur.

Si l’on me fait remarquer que notre gentilhomme commet une grave inconvenance en se permettant une visite à pareille heure, je répondrai qu’alors nos cérémonies froides et compassées d’aujourd’hui n’avaient pas encore été importées dans le pays. C’est qu’en ce bon vieux temps, ajouterai-je, l’ami avait toujours une chaise qui l’attendait au coin du foyer de son hôte, tandis que la huche recelait toujours un morceau de pain que l’on offrait de bon cœur au voyageur tardif, et cela, à toute heure qu’il arrivât. Je ne crains pas même d’avancer que le plus heureux de