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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

encore !) les commères s’aperçurent que monsieur l’officier avait l’air à la fois honteux et furieux au sortir de la demeure des orphelins. On avait même entendu comme une altercation et vu, disaient toujours les voisines, le jeune Louis d’Orsy ouvrir froidement la porte au visiteur et la refermer de même.

Pauvres enfants ! ils ignoraient quelle passion dangereuse, et quel souvenir haineux, à la fois, ils laissaient derrière eux en la personne du lieutenant Harthing. Ils étaient aussi bien loin de prévoir de quel poids l’amour et le ressentiment de cet homme devaient peser dans la balance de leur destinée.

Arrivé sans encombre avec sa sœur au Canada, à la fin de l’année 1687, Louis s’établit à Québec. Quelque temps après sa venue, une commission de lieutenant devint vacante dans une compagnie de la marine ; Louis put l’obtenir, grâce à certaine action d’éclat qu’il accomplit lors d’une rencontre avec des sauvages ennemis, et qui l’avait, de suite, fait recommander à M. de Frontenac.[1]

Ce fut dans les conflits qui avaient si souvent lieu dans ces temps difficiles, que Louis fit la connaissance de François de Bienville ; et, comme ils combattirent souvent à côté l’un de l’autre, une sincère amitié les unit bientôt. Sans compter que les yeux bleus de Mlle d’Orsy avaient fasciné François qui, chose assez naturelle en pareille occurrence, avait fait à Louis l’aveu de ses sentiments. On peut aisément penser que celui-ci avait fort approuvé, d’abord la naissance, et bientôt le développement rapide des amours de sa

  1. Les gouverneurs français étaient autorisés à disposer chaque année de quatre commissions d’officiers, dans les compagnies de la marine, en faveur des jeunes canadiens.