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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

si grand nombre, qu’ils arrêtaient la pluie qui en pénétraient la toiture dans les soirées d’orage. »

Et le chœur reprenait.

« L’Iroquois est brave ; il meurt en chantant ! » Mêlé aux craquements du bois que la flamme étreignait, ce chant de mort était terrible.

Le chevalier de Crisasy et M. de Vaudreuil s’approchèrent de Bienville.

Celui-ci qui avait encore la force de leur sourire, n’eut pourtant pas celle de leur tendre la main qu’il leur voulait présenter.

Ses deux amis ne pouvant cacher les larmes qui ruisselaient sur leurs joues :

— Ne me pleurez pas… leur dit-il. Nous nous retrouverons… là-haut… Donnez moi… la croix d’or… là, sur ma poitrine.

Crisasy entr’ouvrit le justaucorps et la chemise de Bienville dont les yeux brillèrent d’un dernier éclat en voyant une petite croix que Marie-Louise lui avait donnée en retour de l’anneau des fiançailles. Il la saisit d’une main nerveuse et la pressa sur ses lèvres qui se crispèrent après avoir laissé tomber ces derniers mots :

— Seigneur ! ayez mon âme… en votre sainte garde !… Marie-Louise !… adieu !

Le soleil se levait radieux, et ses premiers rayons caressaient dans un vaste parcours la surface du fleuve géant.

Bienville parut en ressentir une impression bienfaisante ; ses yeux mourants recouvrèrent assez de force pour s’arrêter encore sur chacun de ses amis