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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Le soleil était encore sous l’horizon, mais il faisait déjà jour et les reflets rosés de l’aurore venaient animer la figure de Bienville, qui, sans cela, aurait parue terriblement pâle.

— Ne pleure pas,… mon bon Pierre, disait le jeune homme à Bras-de-Fer qui sanglotait en se rongeant les poings. Je sens bien… que je m’en vais… Que veux-tu ?… c’est le sort d’un soldat… Mieux vaut encore… cette blessure… que l’autre… Tu feras… mes adieux… à ma bonne mère… à mes frères aussi… Tourne-moi donc… de ce côté.

Et le blessé étendit son bras gauche dans la direction du fleuve, qui conduisait à Québec.

Avec toutes les précautions d’une mère pour son enfant qui dort, Bras-de-Fer le souleva et se rendit à son désir.

La figure du jeune homme resplendit d’une céleste expression quand ses regards purent plonger au loin sur le fleuve qui roulait majestueusement ses grandes eaux vers la capitale.

On put ouïr, à cet instant, un chant étrange et sauvage qui semblait ébranler les pans de la maison en flamme.

« L’Iroquois est brave ; il meurt en riant ! » hurlait le chœur.

Une voix puissante, celle de Dent-de-Loup, continuait seule ;

« En ai-je couché des faces pâles sur le sentier de guerre ! Mon bras s’est lassé à les tuer et mon œil à les compter ! Je n’en sais plus le nombre ! Les scalps des blancs garnissent le ouigouam du chef en