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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

sans jeter une plainte. Ils avaient cru rêver et la mort les tenait à leur tour.[1]

Suivirent une horrible clameur et des coups de feu, qui partirent de la maison. Les douze[2] sauvages qui dormaient dans l’habitation venaient de s’y éveiller. En se voyant investis, ils jetaient leur cri de guerre et se défendaient.

S’ils étaient peu nombreux, ils avaient pourtant l’avantage de combattre à l’abri une masse d’ennemis où chacun de leurs coups portait.

On se fusilla de la sorte pendant un quart-d’heure, sans que les Canadiens pussent approcher de la maison, tant la fusillade des Iroquois était habile et bien nourrie. Plusieurs Canadiens étaient déjà tués et blessés, quand la porte de la maison s’ouvrit pour donner passage aux douze sauvages qui bondirent au dehors pour se frayer un chemin au travers de leurs ennemis.

— Qu’on les cerne ! commanda M. de Vaudreuil.

Onze Iroquois épaulèrent leurs mousquets et les Canadiens qu’ils couchèrent en joue mordirent la poussière. Seul le chef des sauvages avait gardé son coup de feu et tenait les plus hardis en respect. C’était un guerrier de haute taille.

— Dent-de-Loup ! cria Bienville.

  1. On trouvera peut-être un peu leste cette manière de faire la guerre. Mais qu’on veuille se rappeler les surprises et les massacres sans nombre dont les Iroquois désolèrent la Nouvelle-France durant tout le premier siècle qui suivit l’établissement de la colonie, et l’on avouera que tout en étant pénibles ces représailles étaient alors nécessaires. À ces barbares qui brûlaient de sang-froid leurs missionnaires, et qui inventaient chaque jour de nouveaux supplices pour tourmenter leurs prisonniers, il fallut finir par opposer la violence. Chacun sait, du reste, à qui des Iroquois ou des français, doit être imputée la plus grande part du sang répandu.
  2. Charlevoix, tome II, p. 95.