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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

parmi des broussailles, derrière quelques gros arbres et des clôtures qui avoisinaient l’habitation, personne n’aurait pu constater leur présence.

On n’entendait que les ronflements sonores des Iroquois qui dormaient sur l’herbe, et, de la tête touffue des arbres, quelques cris d’oiseaux éveillés par un bruissement inusité, mais imperceptible à toutes autres oreilles qu’aux leurs.

Les malheureux dormeurs devaient voir en ce moment passer dans leurs rêves le hideux spectre de la mort qui effleurait leur front de ses ailes de chauve-souris.

Il pouvait être trois heures quand l’aurore, comme un ruban lumineux, se déroula lentement à l’horizon. Peu à peu la cime des montagnes dont la base dormait encore dans la brume, se détacha sur le ciel et le premier sourire du jour naissant descendit languissamment sur la vallée.

Le rayonnement des étoiles devint moins vif et finit par s’éteindre à mesure que la clarté refoulait les ténèbres.

La lumière en effleurant l’herbe humide permit aux Canadiens d’entrevoir et de compter quinze Iroquois endormis devant la porte de la maison.

— Feu ! dit une voix tonnante.

Vingt mousquetades rasèrent le sol, ainsi que des couleuvres de flamme, et leurs détonations n’en faisant qu’une seule éclatèrent comme un coup de foudre.

Dix Iroquois restèrent sans bouger sur place ; ils dormaient leur dernier sommeil. Les cinq autres se levèrent effarés. Mais quelques balles sifflèrent de nouveau dans le taillis et les survivants se recouchèrent