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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

le roi dans son lit.[1] Je n’ai pu m’approcher assez d’eux, et la nuit est trop profonde encore pour que j’en puisse dire le juste nombre.

— Ils ne se doutent donc point de notre présence ?

— Pas le moins du monde. La chaleur, je suppose, est étouffante dans la maison, et ces messieurs se sont couchés sur l’herbe et au frais, où, sauf votre respect, ils ronflent[2] comme des bœufs.

— Il va nous être facile alors de les cerner.

— Oui, mon commandant. Cependant, si vous permettiez à un vieux chasseur…

— Parle sans crainte.

— Eh bien ! je suis d’avis avec vous que nous les entourions de suite. Mais quant à les attaquer, je crois qu’il vaut mieux attendre le point du jour ; car il fait trop noir à présent pour qu’il ne nous en échappe pas quelques-uns.

— Parfaitement vrai ! Aussi suivrai-je ce bon avis. Mais le jour paraîtra-t-il bientôt ?

— Dans une heure, mon commandant, répondit Pierre après avoir consulté les étoiles et l’horizon.

— En marche alors. Et toi, Pierre, avant de nous servir de guide, passe par toute la ligne et dis à chacun de nos gens d’avancer sans bruit.

Au bout d’une demi-heure, cent vingt Canadiens investissaient la maison. Couchés qu’ils étaient

  1. « Quinze Iroquois étaient couchés sur la terre et reposaient aussi paisiblement que s’il n’y avait pas eu de français dans le pays. » M. Ferland, II vol. p. 233.
  2. Pour peu que l’on feuillette nos chroniques, on y verra combien grande était souvent l’imprévoyance des sauvages qui, même dans leurs expéditions de guerre, à Repentigny par exemple, négligeaient de placer durant la nuit des sentinelles pour veiller à la sûreté commune. Plus d’une fois des villages entiers durent leur destruction à cette inexplicable imprudence.