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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

empêcher de s’aimer deux cœurs comme les vôtres et pour les en punir. Puisqu’il a fait l’amour, que diable ! c’est, j’imagine, pour le plus grand bonheur de l’homme !

« Aussi vais-je en user moi-même, je te l’annonce. Je me marie dans deux mois avec… Mais je préfère réserver cette confidence et ne te la faire que lorsque tu seras descendu à la capitale. Car je pense bien que tu vas nous arriver bientôt. Alors en avant joie et noces et vivent nos enfants… futurs !

« Vois-tu qu’enfin l’horizon de ton avenir s’éclaircit, sans compter que monsieur le gouverneur me parle de toi chaque jour avec les plus grands éloges. Avec sa protection et tes talents tu iras loin.

« Il n’y a rien d’étrange ici. Ah ! j’allais oublier de te faire part de ce que j’ai vu en passant hier sur la grande place de l’église. Voyant un rassemblement de bourgeois, je m’en approchai pour examiner ce qui les attirait ainsi. J’aperçus alors notre ancienne connaissance, Jean Boisdon. Attaché au pilori, il dévorait en silence les huées de la foule qui l’entourait en le couvrant d’injures et de boue, et j’entendis la voix d’un héraut qui criait à tue-tête :

« — Sachez-vous tous, nobles, bourgeois et vilains, que par ordre de Sa Majesté, le roi, Jean Boisdon accusé et trouvé coupable d’intelligence avec les Anglais durant le siège de cette ville de Québec par l’amiral Phips, est condamné à huit jours de pilori et à trois mille livres d’amende, payables aux dames religieuses de l’Hôtel-Dieu.

« Boisdon l’avare condamné à l’amende ! Tu conçois si cela me fit rire, et d’autant plus que j’avais intercédé auprès de M. de Frontenac pour