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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

dernier avait pris du service sous M. de Vaudreuil à la rencontre duquel il s’attendait d’un moment à l’autre.

« Mon cher Bienville, » disait la lettre du lieutenant d’Orsy, « je n’ai pu t’écrire avant ce jour, vu que les communications ont été interrompues depuis ton départ entre le Mont-Royal et Québec. Ne m’accuse donc pas de négligence si les bonnes nouvelles que contient la présente ne te sont point parvenues plus tôt. »

Ces derniers mots firent bondir le cœur de François.

« Sache donc, mon ami, que monseigneur de Saint-Vallier s’oppose à l’entrée en religion de Marie-Louise, parce qu’elle s’est fiancée à toi. »

Bienville eut un éblouissement qui, pendant quelques minutes, l’empêcha de continuer sa lecture.

« Or, ma sœur veut t’écrire à ce sujet pour que tu rompes toi-même l’engagement qui subsiste entre vous deux. Comme tu vois, elle est opiniâtre à l’excès dans ses résolutions. Ce n’est pourtant pas qu’elle ait une vocation irrésistible pour le cloître ; elle prétend seulement que quand bien même monsieur l’évêque[1] la relèverait de son vœu, elle ne saurait jamais consentir à se marier. Elle dit que ce serait vouloir tenter Dieu que de fausser ainsi la promesse qu’elle lui a faite, et qu’il arrivera certainement un malheur si on veut l’empêcher d’accomplir son vœu. Mais garde-toi bien de croire ces balivernes ! Résiste hardiment, l’évêque est pour toi. Quant à ces vaines craintes de Marie- Louise, Dieu est trop bon, vois-tu, pour vouloir

  1. C’est ainsi qu’on disait alors. Voyez les mémoires de l’époque.