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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

femme, douce et pure, chanta, dans le silence, le miseremini.

Perdu dans la foule et courbant le front devant son Dieu qui l’éprouvait si rudement, Bienville dont la souffrance n’avait plus assez de place en son cœur, sentit un froid mortel se glisser dans ses os.

Cette voix était celle de Marie-Louise.

Miseremini mei, chantait-elle, miseremini mei saltem vos amici mei.

De profundis clamavi ad te Domine, Domine exaudi vocem meam, chantèrent les voix du chœur.

Du fond de l’abîme de ma douleur, je crie vers vous ô mon Dieu ! murmura, Bienville.

Et Marie-Louise répéta :

Miseremini mei saltem vos amici mei.

Tandis que le chant de la soliste et de ses compagnes continuaient d’alterner ainsi, les porteurs enlevèrent le cercueil qui contenait les restes de Sainte Hélène et sortirent de l’église en prenant le chemin du cimetière.[1]

Les parents et la foule suivirent en silence, et le cortège se déroula lentement jusqu’au champ des morts.

Quelques flocons de neige tombaient doucement sur la terre froide et nue.

La lune dormant encore sous l’horizon, la seule lumière des étoiles tempérait les ténèbres, avec les farandoles lumineuses et subtiles d’une aurore boréale qui brillait au ciel. Ces vaporeuses clartés couraient disséminées dans l’espace, et le silence était si profond sur la ville entière qu’on entendait

  1. Le cimetière « des pauvres » de l’Hôtel-Dieu où l’on enterra M. de Sainte-Hélène occupait le terrain où sont construites les nouvelles maisons des sœurs, situées à l’est de la rue Collins.