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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

ne nuira pas à votre avancement. Mais il est bien tard, et vous avez besoin de sommeil. Tâchez de reposer aujourd’hui pour être plus fort que la peine de demain.

— Comment vous remercier de l’intérêt que vous me portez, monsieur le comte, balbutia Bienville, et comment pourrai-je jamais reconnaître vos bontés pour moi ?

— D’abord en quittant bientôt cet air sombre qui n’est pas de nature à égayer ceux qui vous fréquentent, et en voulant bien oublier les aveux que ma seule tendresse pour vous m’a conduit à vous faire. Allons ! bonne nuit.

Et le comte reprenant sa lanterne quitta la chambre.

Bienville entendit, tout pensif, le bruit de ses pas s’éteindre au détour du corridor, où l’ombre du comte projetée derrière lui par la lumière qu’il portait s’évanouit aussi.

Consolé par la comparaison de cette grande mais calme douleur que M. de Frontenac venait d’opposer à la sienne, et soulagé par les pleurs qu’il avait versés, Bienville parvint à s’endormir.

Mais des rêves étranges et fatigants troublèrent son sommeil. Tant qu’enfin, il lui sembla passer près du couvent de l’Hôtel Dieu, lorsqu’une voix de femme qui chantait le fit se rapprocher du cloître. Alors il lui parut que les murailles du couvent se trouvaient assises au milieu d’un vaste cimetière jonché d’os desséchés jusqu’à perte de vue. Chacun des pas qu’il faisait heurtait un ossement humain qui craquait sous ses pieds. Il parvint enfin au dessous d’une fenêtre d’où sortait la voix. Quand il leva la tête, il aperçut Marie-Louise, vêtue en novice, et qui le regardait du haut de la croisée d’un second étage.