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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

ne lui était pas inconnue lui dit bientôt après du dehors.

— Ouvrez-moi donc, monsieur de Bienville ?

Celui-ci tira le verrou de sa porte et recula d’étonnement quand il aperçut M. de Frontenac.

Le comte portait une lanterne sourde qu’il déposa près d’un bougeoir d’argent, sur la table de nuit de son hôte. Puis il fit signe à Bienville de refermer la porte.

Lorsque François se fut approché du comte, ce dernier dit au jeune LeMoyne.

— Mon cher Bienville, ce n’est que ce soir, et à la fin du dîner seulement, que j’ai appris votre malheur. Soyez certain, mon ami, que la nouvelle m’en a vivement affecté, et que je compatis à votre juste chagrin.

Le comte en disant ces mots prit affectueusement la main du jeune homme.

Au seul contact de cette main, Bienville, le guerrier robuste et fier qui n’avait pas voulu verser une larme depuis sa fatale entrevue avec Marie-Louise, sentit un frisson glacial courir par tous ses membres, et il se prit à pleurer.

Sachant bien qu’il valait mieux ne pas arrêter cette effusion, M. de Frontenac garda quelques instants le silence qu’interrompaient seuls les sanglots de Bienville. Et quand cette pluie de larmes eut diminué, le comte reprit :

— Je sais d’autant plus comprendre les peines de l’âme que j’ai moi-même bien souffert. Votre cœur est tout endolori par ce coup imprévu du sort qui rejette à jamais loin de vous une jeune fille que vous aimez. Mais que serait-ce donc, mon ami, si vous étiez l’époux d’une femme que vous aimeriez autant