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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Enfin les paroles d’une santée portée à la belle France par le gouverneur lui-même, vinrent bruire à son oreille, affaiblies par la distance. Les convives y répondirent par un énergique bravo qui gronda comme un tonnerre dans les grands corridors du château. Et le son plus rapproché des voix, le bruit des portes qui s’ouvraient et se refermaient çà et là dans le vaste édifice, lui indiquèrent que les conviés venaient de se séparer.

Le silence se fit bientôt partout, et Bienville n’entendit plus que les pas de la sentinelle qui marchait au dehors sur la terrasse.

Après avoir éteint sa bougie, Bienville appuyé sur le bord de sa fenêtre qui donnait sur le Saint-Laurent, regardait, pensif, les rayonnements de la lune qui zébrait de remuantes laines d’argent les eaux du fleuve assoupi à ses pieds. Tantôt son œil s’arrêtait sur les falaises de la Pointe-Lévis qu’une lumière pâle éclairait en grandissant l’ombre des sapins accrochés aux flancs du roc. À distance, ces arbres semblaient autant de fantômes d’une race géante, qui seraient venus s’accouder sur la rive du grand fleuve pour y déplorer en silence l’invasion des nouveaux possesseurs.

Parfois son regard se perdait au loin dans la brume qui voilait à demi les côtes boisées de Beauport et de l’île d’Orléans.

Il en était à comparer ce calme grandiose de la nature au bouillonnement des passions qui embrasaient son sein, quand on heurta du doigt sa porte.

Étonné de recevoir une visite à une heure aussi avancée, François qui, du reste, n’avait voulu recevoir personne depuis deux semaines, ne répondit pas et ne se dérangea point d’abord. Mais une voix qui