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CHAPITRE DIX-HUITIÈME.



deux douleurs en regard.


Quinze jours durant Bienville resta renfermé, sans vouloir en sortir, dans la chambre que M. de Frontenac lui avait assignée au château. Là, tout entier à sa douleur, il passa les jours et les nuits courbé sur sa souffrance, comme pour sonder le gouffre que le malheur venait de creuser en son âme.

Ainsi replié sans distraction sur son mal, il meurtrit plus encore son cœur déjà si rudement froissé par la main de fer de l’infortune. Si sombre lui paraissait l’avenir qu’il fermait les yeux d’effroi quand la noire image du présent s’effaçait devant eux, comme lorsqu’on se fatigue à regarder longtemps le même objet. Et lorsque le vol de sa pensée, lasse de se heurter à chacun des traits de ce navrant tableau, se retournait vers le passé, le contraste des joies d’autrefois faisait si violemment ressortir les peines présentes et futures, que sa blessure s’ouvrait plus grande et plus cuisante encore.

Si douces étaient pourtant les chansons de ces fauvettes qui venaient voleter sur le champ de mort de ses espérances et moduler les concerts passés de son premier amour, qu’il n’avait pas le courage de les chasser.