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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

cause de la perte de Louis ? Cette idée brûla mon cœur comme un trait de foudre. Le dernier rejeton des barons d’Orsy expirant, sinon par la faute, du moins à cause de sa sœur qui n’attendrait peut-être pas pour se marier la fin du deuil fraternel ! Oh ! non, cela ne pouvait pas être ! — C’est moi, mon Dieu ! qu’il vous faut frapper, lui dis-je en ma prière. Rendez à la vie à mon frère, pour continuer une lignée de preux qui s’éteindrait sans lui ; et je vous promets d’entrer en religion à l’Hôtel-Dieu pour y passer mes jours au chevet des malades !

— Ah ! mon Dieu ! fit Bienville qui se trouva machinalement debout.

— Je te jure, mon cher François, dit Louis à celui-ci que j’ai tout fait pour détourner ma sœur d’un dessein si funeste ; mais rien n’a pu ébranler sa résolution. Car elle prétend qu’il en résulterait un malheur pour nous tous si elle allait manquer au vœu que Dieu a bien voulu accepter, dit-elle, puisqu’il a fait un miracle en ma faveur.

— Oui, c’est vrai, reprit Marie-Louise ; d’ailleurs, mon amour semble fatal à ceux qu’il touche. Harthing en est mort, et si M. de Bienville et toi, mon bon Louis, ne l’êtes pas déjà, c’est parce que Dieu prévoyait que je me devais dévouer pour vous. Il n’est pas jusqu’à Marthe et à l’Iroquois[1] dont je n’aie, bien qu’involontairement, causé la perte.

Monsieur de Bienville, dit-elle en finissant, je comprends votre douleur. Elle vous doit être d’autant plus amère qu’elle était imprévue. Soyez cependant certain que vous ne souffrirez pas en cinquante ans de vie les tortures que j’ai subies depuis trois jours.

  1. Elle devait croire avec François, Louis et Bras-de-Fer que Dent-de-Loup était mort.