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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

— Je vous en prie, continua Bienville au comble de l’étonnement, dites-moi, l’un ou l’autre, ce que signifient ce silence et ces pleurs ?

Puis se frappant tout d’un coup le front, signe qu’une nouvelle idée venait d’y éclore :

— Oh ! dis-moi, Louis, ma prétention à la main de mademoiselle serait-elle donc trop ambitieuse ? Mais n’as-tu pas toujours encouragé cet amour que, loin de te cacher, je t’ai confié depuis deux ans ! Ah ! c’est vrai ! j’aurais dû m’en douter, la nature ne m’a pas fait baron, moi !

— Arrête ! s’écria Louis, et ne te livres pas à des suppositions absurdes et offensantes à la fois. Tu sais que je t’ai toujours considéré comme le futur beau-frère que me devait donner ma sœur. Ce n’est donc pas une vaine disparité de titre qui pourrait maintenant mettre obstacle à votre mariage. Tu es gentilhomme, et cela m’a suffi ; car, à mes yeux, la récente noblesse léguée par ton père à ses dignes enfants, et que lui ont value sa bravoure et ses services en la Nouvelle-France, je la considère autant et plus encore que celle d’un descendant des croisés qui passe à la cour une vie rampante et oisive !

— Mais enfin, tu viens de le trahir, il y a des obstacles à notre union ? Ah ! Marie-Louise ! auriez-vous si tôt oublié vos promesses ? Ne m’aimez-vous donc plus ?

— À mon tour je vous arrête, monsieur de Bienville ! dit enfin Mlle d’Orsy en séchant les larmes qui humectaient ses joues comme de la rosée sur une fleur. Prenez garde de froisser aussi mes sentiments que vous devez si bien connaître. Ah ! c’est bien plutôt vous qui ne m’aimez plus, puisque vous ne