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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

qui se relevait crânement aux coins de sa bouche souriante et moqueuse.

Comme il débouchait dans la rue Buade par la ruette de Frontenac qui passe entre le bureau de Poste et celui de l’Événement,[1] il se trouva face à face avec le sieur d’Hertel que le gouverneur faisait mander en son château pour le féliciter de sa belle conduite durant le siège.[2]

— Eh ! sur mon âme ! cher Bienville, dit celui-là, comme vous voici superbe ! Est-ce qu’Amour vous tend les bras, comme dirait là-bas ce bon M. de La Fontaine ?

— Ce doit être quelque chose d’approchant, répondit Bienville confiant comme on l’est à son âge. Car vous savez, mon cher, qu’un militaire se fait beau pour sa maîtresse[3] ou pour la bataille. Or comme la guerre est finie…

— J’avais raison ! n’est-ce pas ? Allons ! bonne chance, mon amoureux !

— Et vous de même, mon ami.

Toujours leste et pimpant, Bienville dévora la courte distance qui le séparait de la demeure de Louis d’Orsy où il entra le cœur à rire, ainsi qu’il est dit dans « la claire fontaine. »

D’Orsy convalescent, mais pâle et faible encore, était assis dans son lit lorsque Bienville arriva chez le jeune baron.

  1. On voit dans les mémoires du temps que c’était par cette ruelle que nos gouverneurs se rendaient à l’église.
  2. « Deux des chefs canadiens furent anoblis pour leur bravoure : M. Hertel qui s’était distinguée la tête des miliciens des Trois-Rivières, et M. Juchereau de Saint-Denis. » M. Garneau 3e édit : 1 vol, p. 322.
  3. On sait par nos chansons populaires que le mot maîtresse était alors en Canada le synonyme de fiancée.