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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Madame Pelletier passait à bon droit pour avoir l’oreille et la langue toujours à l’affût des nouvelles.

— Il paraît que la flotte de l’amiral Philippe[1] a quitté le port et redescend vers le golfe, répondit l’épicier qui continua sa course après s’être arrêté quelque peu pour reprendre haleine.

— Quoi ? qu’est-ce ? dit à cet instant une voix criarde partant de l’intérieur de la maison.

C’était madame Pelletier qui venait de s’éveiller. Sa forte voix couvrait les craquements du lit qu’elle ébranlait en chaussant ses bas de laine grise.

Au même instant la grosse cloche de la cathédrale fit entendre sa voix de basse, tandis que celles de toutes les communautés de la ville lançaient leurs notes d’alto ou de soprano à travers les couches de brume matinale.

— Assurément que ce n’est point là l’Angélus, dit M. Pelletier en entrant dans sa chambre à coucher, car on l’a sonné il n’y a pas plus qu’une demi-heure.

Comme il apparaissait, une salve d’artillerie partie soudainement de la haute ville, fit faire un bond prodigieux à madame Pelletier qui passait sa première jupe. Aussi perdant son centre de gravité vint-elle s’abattre lourdement entre les bras de son époux qui gémit et plia sous ce poids chéri.

— Mon Sauveur ! qu’est ce que c’est ! s’écria la bonne dame. Le bombardement recommencerait il ? On disait pourtant qu’il était fini.

— Je vas aller voir ce qui se passe à la haute ville, fit le mari qui sortit après avoir endossé son pourpoint.

  1. C’est ainsi que nos Canadiens appelaient Phips.