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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

apporter dans leurs prières, Marie-Louise alla se jeter aux pieds du crucifié.

Qu’elle était ravissante ainsi, avec ses belles mains croisées sur sa poitrine que de muets sanglots soulevaient sous un corsage de velours noir qui semblait, à grand’peine, empêcher son sein de bondir au dehors ! Ses yeux noyés dans les larmes et dans l’extase de la prière, arrêtaient leur regard suppliant sur la face auguste du Christ, tandis que ses belles lèvres semblaient baiser avec amour les pieds divins essuyés autrefois par les soyeux cheveux de Madeleine repentante.

Son corps se trouvant intercepter une partie de la lumière produite par la lueur du feu de l’âtre, qui rougissait le foyer et les murs de la chambre, une vive auréole entourait sa tête, comme celle d’une madone, tandis que de fauves reflets d’or se jouaient sur sa chevelure blonde. Et comme ses genoux reposaient baignés dans l’ombre, on aurait dit que la jeune fille était soulevée sur un nuage de feu, et ravie dans une de ces extases mystiques telles qu’en avaient autrefois les saints.

Longtemps elle pria de la sorte, sans paraître ressentir aucune des influences extérieures qui l’entouraient. C’est que, exaltée par l’élan de sa foi, elle parlait directement à Dieu.

Elle parut enfin revenir sur terre, lorsque, détournant ses yeux de la croix, elle les promena tour à tour de son fiancé à son frère et de son frère à son fiancé.

À ce moment, une indicible expression d’angoisse passa sur sa figure, comme si deux sentiments divers s’étaient heurtés tout-à-coup pour lutter en elle.

Mais cela n’eut que la durée d’un éclair, et Marie-