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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

la cautérisation, se sont manifestés des phénomènes opposés. Douleurs légères d’abord, puis intolérables ; mouvements convulsifs généraux, soubresauts des tendons et délire enfin. Avant l’opération, le pouls était rare, petit, filiforme ; il est maintenant précipité dur et redoublé. C’est qu’il y a, je crois, deux ou trois poisons dont les effets divers ont chacun leur action et se manifestent par des symptômes variés, sans que, pourtant, les influences particulières à chaque venin soient assez opposées pour se neutraliser les unes les autres. Quel art infernal a dû présider à leur confection !

— Mais ne voyez-vous aucun remède à leur opposer ?

Le chirurgien haussa les épaules en signe d’indécision manifeste.

— Ô monsieur ! sauvez mon frère ! s’écria Marie-Louise qui s’était approchée après avoir entendu,

— J’ai bien peur, mademoiselle, que mon art ne soit impuissant. C’est plutôt Dieu que moi qu’il vous faut prier ; car lui seul sait faire des miracles.

Cette désolante réponse amena sur les lèvres de Marie-Louise un sanglot que, par une grande force d’âme, elle étouffa pourtant, de crainte qu’il n’alarmât le blessé si celui-ci le pouvait entendre.

Il y avait dans la grande salle, à côté, un beau crucifix d’ivoire suspendu au dessus de l’âtre de la cheminée et que l’on apercevait du lit du blessé. Ce pieux objet d’art était l’un des quelques débris qui restaient encore à la famille d’Orsy de son antique splendeur. L’on y conservait d’autant plus précieusement ce crucifix, que les traditions de la famille le disaient être l’œuvre d’un grand artiste français contemporain de Benvenuto Cellini.

Avec cette foi vive et ardente que les femmes savent