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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Bienville qui arrivait de l’Hôtel-Dieu où il venait d’assister au premier pansement de son frère qu’on y avait transporté.

M. Coupnet, quelques instants plus tard, fit sortir par un adroit coup de sonde la balle des lèvres saignantes de la blessure. Et après avoir rougi au feu un instrument, il s’empressa de cautériser les abords de la plaie, afin de prévenir, s’il en était temps encore, l’absorption du poison déposé par le projectile.

Tiré de sa léthargie par la douleur que lui causa cette dernière opération, le jeune homme ouvrit enfin les yeux. Mais outre que les pupilles étaient extrêmement dilatées, son regard avait quelque chose d’étrange, et c’est à peine s’il parut reconnaître ceux qui entouraient son lit. Quant aux organes de la voix, ils semblèrent paralysés d’abord ; car plusieurs fois on le vit faire pour parler d’inutiles efforts.

Bientôt ses membres s’agitèrent de mouvements convulsifs qui laissaient voir que si le blessé recouvrait sa sensibilité ce n’était que pour souffrir. Puis la douleur augmentant, il poussa quelques cris gutturaux, s’agita sur sa couche et finit par prononcer des paroles sans suite.

Le chirurgien hocha la tête et prit entre les doigts de sa main droite le poignet de Louis d’Orsy. Pendant quelques minutes il parut absorbé dans ses réflexions. Enfin il se pencha vers Bienville qui, douloureusement ému, contemplait cette terrible scène d’un homme jeune et robuste luttant corps à corps avec la mort, et lui dit à voix basse :

— Remarquez-vous, monsieur, comme les symptômes se contredisent maintenant ? D’abord le cerveau surtout semblait affecté ; car il y avait somnolence, puis vertige et enfin léthargie. Et tout-à-coup, après