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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

oiseaux s’allaient percher sur l’arbre le plus voisin en jetant leurs croassements sinistres aux échos de la nuit, cet homme parvint, après mille efforts dont chacun lui arrachait un cri de douleur, à se mettre sur son séant.

Après s’être reposé il s’orienta ; et, se sentant incapable de marcher, il se traîna vers le camp des Anglais, en s’aidant des genoux et des mains. Ce blessé dut souffrir mille agonies pendant le trajet d’un demi mille qu’il lui fallut ainsi faire pour arriver au camp. Si le soleil eût éclairé sa marche douloureuse, on eût pu voir une longue traînée de sang qu’il laissait derrière lui.

La première sentinelle qui le reconnut, appela quatre camarades pour transporter le blessé sous une tente où le chirurgien et ses aides faisaient les premiers pansements.

Quand on l’eut déposé sur un matelas, cet homme poussa un immense soupir de satisfaction et murmura ces mots :

— Le bras des visages pâles est faible comme celui des femmes, qui ne saurait frapper le guerrier d’un coup mortel. Dent-de-Loup pourra bientôt chasser encore le caribou rapide, et orner sa ceinture de maints nouveaux scalps que la fumée de son feu desséchera dans le ouigouam du chef.