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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

ordre, la face tournée vers l’ennemi et combattant toujours.[1]

Bienville a jeté un regard autour de lui, et n’apercevant que Harthing, Dent-de-Loup et quelques soldats anglais couchés sur le sol, il voit que son frère Sainte-Hélène aura été emmené hors de la mêlée ; aussi s’empresse-t-il de rejoindre les siens.

Durant quelque temps encore on escarmoucha de part et d’autre, tant qu’enfin les premières ombres de la nuit firent cesser le feu des deux côtés. Alors les Anglais renonçant à toute velléité d’assaut, battirent en retraite vers leur camp ; tandis que nos volontaires revenaient vers la ville où M. de Frontenac se tenait encore en personne à la tête de ses troupes, résolu de traverser la rivière si les Canadiens avaient été trop pressés par l’ennemi. Mais, au dire de Charlevoix, ces derniers ne lui donnèrent pas lieu de faire autre chose que d’être spectateur du combat.[2]

Sur les sept heures du soir, alors que les ténèbres enveloppaient le champ de bataille comme d’un vaste linceul, un des hommes laissés pour morts sur le lieu du combat, se souleva péniblement et poussa un soupir rauque et embarrassé ; ce qui mit en fuite une bande de corbeaux avides qui, déjà, faisaient curée des cadavres environnants. Tandis que les voraces

  1. « Les Anglais côtoyèrent quelque temps la rivière en bon ordre ; mais MM. de Longueuil et de Sainte-Hélène, à la tête de deux cents volontaires, leur coupèrent le chemin, et escarmouchant de la même manière qu’on avait fait le dix-huit, firent sur eux des décharges si continuelles, qu’ils les contraignirent à gagner un petit bois d’où ils firent un très-grand feu. » Charlevoix, tome II, p. 85.
  2. « Nous eûmes dans cette seconde action deux hommes tués et quatre blessés… La perte des ennemis fut ce jour-là pour le moins aussi grande que la première fois. » Charlevoix, tome II, p. 85.