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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Bienville a remarqué cette hésitation, et portant plusieurs bottes à son adversaire, il fouette soudain du plat de son arme celle de Harthing, se glisse au-dessous comme un trait, et enfonce son épée jusqu’à la garde dans le cœur du rival abhorré.

Harthing s’abat sur la terre et ouvre démesurément les yeux. Il sent la mort venir, car sa haine semble s’envoler avec sa vie. Aussi tend-il au vainqueur sa main désarmée en lui disant d’une voix mourante :

— Me pardonnez-vous,… Bienville ?… Dieu m’a puni… Si d’Orsy… n’est pas mort,… sa blessure… balle empoisonnée… par l’Iroquois… Cherchez… contrepoison… Elle… adieu.

Et il expire entre les bras de Bienville presque peiné de sa mort.

Durant ce combat singulier qui avait duré seulement cinq minutes, les Canadiens avaient mené l’ennemi battant jusqu’à un petit bois situé à demi-portée de mousquet du bouquet d’arbres où nos volontaires s’étaient placés d’abord en embuscade.

Mais là, les ennemis ont fait volte-face, et, appuyés par quelques pièces de canons, ils ont ouvert un feu terrible sur nos miliciens.[1] Ces derniers considérant le désavantage du nombre et de la situation se sont alors vus obligés de retraiter vers leur premier retranchement, ce qu’ils ont cependant fait avec

  1. Lorsque j’entrai au Séminaire-de-Québec, il y a douze ans, l’on voyait encore à la ferme de Maizerets où les élèves vont passer leurs jours de congé durant la belle saison, un vieil arbre sous l’écorce duquel on apercevait un des boulets tirés par les Anglais lors de ce combat du vingt octobre 1690. Ce vieux témoin du temps jadis a depuis mordu la poussière et s’est couché à côté de ceux qu’il avait vus tomber autrefois à ses pieds.