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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

de vous accompagner. Comme les vaisseaux ont retraité de devant la ville, et qu’ils n’ont pas l’air d’avoir envie de revenir essuyer notre feu,[1] le capitaine prétend n’avoir besoin que de quelques hommes pour la garde de sa batterie. Il vous envoie aussi Bras-de-Fer, pensant bien qu’il pourra nous être utile. Tiens, le voici.

— Présent, mon commandant, dit Pierre Martel qui fit le salut militaire.

— Nous allons donc escarmoucher à la Canardière dit d’Orsy à M. de Longueuil.

— Oui, car il paraît que l’ennemi se tient sous les armes depuis le matin, et semble se préparer, d’après les rapports de nos éclaireurs, à marcher sur la ville.

— Pardon, mon commandant, dit Bras-de-Fer à qui sa qualité d’ancien domestique de la famille permettait certaines libertés qu’on n’aurait point tolérées chez un autre soldat ; pardon, mais je crois que c’est un bien mauvais jour pour s’en aller attaquer ainsi l’Anglais dans ses retranchements.

— Et pourquoi, maître Pierre ?

— N’est-ce pas aujourd’hui vendredi ?[2]

— Ah ! ah !

— Ne riez pas, monsieur, le vendredi, voyez-vous, est jour de malheur.

— Bah ! histoire de vieille femme, dit Sainte-Hélène.

— Que nous chantes-tu donc là, sinistre corbeau, repartit Louis d’Orsy.

  1. « Les vaisseaux de Sir William Phips furent tellement maltraités que le dix-neuf octobre, deux d’entre eux rejoignirent le gros de la flotte, tandis que deux autres se mirent à l’abri des boulets, en remontant à l’anse des Mères. Là encore, ils furent attaqués et forcés de se retirer vers les autres. » M. Ferland, vol. 2, p 225.
  2. Le vingt octobre 1690 était en effet un vendredi.