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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

que de remonter absorbées dans l’air, les premiers feux du matin. Or pour quelques-uns qui portaient ces armes dans l’attente du combat, n’était-ce pas leur dernière rosée de vie qu’éclairait alors ce beau Soleil ?

L’habillement des miliciens paraissait bien terne à côté des costumes des troupes de ligne. Car à cette époque, au Canada comme en France, les milices n’avaient point d’uniformes.[1] Loin de faire tache cependant, leurs habits d’étoffe grise ne servaient que de repoussoir ou de contraste au brillant fond de ce tableau vivant.

Mais qu’on n’aille pas croire que cet éclat ne fût que superficiel. Que de nobles cœurs battaient sous les riches justaucorps de tant de braves officiers qui parcouraient tous les rangs des soldats alignés, ici recevant des ordres et les transmettant plus loin ! Et les grands noms qu’ils portaient, ces galants hommes !

Oh ! la belle vision qui passe devant mes yeux ravis par la splendeur de ces souvenirs du passé ! Dites-moi, ne la voyez-vous pas comme moi ?

N’est-ce pas lui que j’aperçois là-bas, au-dessus de tous, le noble vieillard ? Oui, c’est le comte de Frontenac. Il m’apparaît près du château dictant ses ordres au baron LeMoyne de Longueuil, surnommé le Machabée de Montréal, et à MM. LeMoyne de Sainte-Hélène et de Bienville. Ces trois frères vont commander un détachement de deux cents Canadiens chargés d’aller, sur le champ, tenir en échec les deux mille Anglais commandés par Whalley ; car les ennemis font mine de marcher sur la ville.

  1. Voyez Monteil dans la partie de son ouvrage qui traite de l’armée française au XVIIe siècle.