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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

dont il mourait un plus grand nombre, accusèrent leurs alliés de les avoir empoisonnés. Aussi, s’en allèrent-ils bientôt tous à la débandade ; tandis que les troupes anglaises, se voyant ainsi délaissées, tirèrent aussi de leur côté et se rabattirent sur Albany. En cette ville, la discorde continuant parmi les chefs, pendant que l’épidémie sévissait sur les soldats, les expéditionnaires plantèrent là le drapeau, et lui tournèrent le dos pour regagner leurs foyers.

— Fameux ! s’écria le major, en riant à gorge déployée ; fameux ! Nous devons un beau cierge à cette charmante petite vérole, ainsi qu’à dame discorde, qui nous rendent toutes deux d’aussi bons services ! Mais, dites donc, ces nouvelles sont elles certaines ?

— Assurément qu’elles le sont, interrompit ici M. de Frontenac, puisque j’ai moi-même envoyé un Abénaquis dans le camp ennemi. Mon homme y est arrivé, juste au moment où la dissension était à son comble. Il a vu les ennemis lever le camp et rebrousser chemin ; et sur son retour, il a rencontré une bande de Sokoquis qui lui ont appris ce qui venait de se passer à Albany. Ces pauvres Indiens sont en grande rage contre les Anglais, tant ils sont convaincus que ces derniers les ont empoisonnés pour s’en défaire en masse.[1]

N’ayant plus rien à craindre de ce côté-là, j’avais licencié les milices, et j’allais faire rentrer les troupes dans leurs quartiers d’hiver, quand mardi dernier (le 10 octobre) je reçus votre premier message qui m’annonçait la présence d’une flotte anglaise dans le

  1. Ce récit de l’expédition de Winthrop est rigoureusement historique.