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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

d’un arbre, au-dessus de la tête du sauvage qui se redressa vivement.

Comme il saisissait son mousquet, un corps opaque effleura sa joue gauche avec un rapide bruissement d’ailes, traversa le petit nuage de fumée qui planait au-dessus du feu, et remonta vers la cime de l’arbre d’où il était descendu. Trois fois ce hiboux plongea

ainsi vers Dent-de-Loup et trois fois il jeta son lugubre cri dont les ondulations se mêlèrent au hurlement du vent.

— Tu m’as donc entendu Atahensic ![1] s’écria le sauvage et tu viens à moi sous la forme de l’oiseau des nuits. Mais pourquoi voler ainsi à ma gauche ? Est-ce qu’en préparant la mort d’autrui j’avancerais aussi la mienne ?

Le vent faisait rage et redoublait à chaque instant de fureur quand, soudain, un livide éclair rompit la nue, tandis qu’un éclat de foudre atteignait, de l’autre côté du torrent, un arbre qu’il tordit, broya comme un brin d’herbe et dont quelques fragments vinrent tomber aux pieds du sauvage.

Et un immense ouragan de pluie sembla vouloir écraser la forêt. Les coups de tonnerre se suivaient avec tant de rapidité, qu’on aurait dit cent pièces de canon tirant à l’envie l’une de l’autre. Quant aux éclairs, ils illuminaient constamment le ciel qui paraissait rouge comme de la fonte ardente dans une vaste fournaise.

Cette furie des forces de la nature déchaînées dura quelque temps, après quoi le fracas de la foudre diminua, s’éloigna et finit par se perdre dans l’espace, après avoir encore jeté de sourds grondements, comme

  1. Atahensic était le dieu du mal chez les Iroquois.