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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

sait derrière les grands arbres qui bordaient alors la rivière Montmorency, un cri de joie et d’attente satisfaite lui était échappé.

Ayant arraché une touffe de plantes ombellifères vers laquelle il s’était penché vivement en la reconnaissant pour ce qu’il désirait, il s’en était venu aux Marches-Naturelles, emportant sa trouvaille avec lui.

Quand le sauvage, car son teint, le tatouage qui ornait singulièrement sa figure, et son costume primitif, laissaient voir de suite à quelle race il appartenait, quand le sauvage atteignit l’endroit des Marches où la rivière n’a pas plus que cinquante pieds de large, il s’arrêta près d’une petite chaudière en cuivre qu’il avait cachée là dès le matin, et y jeta les herbes qu’il avait apportées.

Ensuite il décrocha de sa ceinture un petit sac d’où sa main superstitieuse tira doucement trois crapauds et une couleuvre, tous vivants, qu’il mit dans la chaudière et à côté des plantes. Après quoi il recouvrit le vase de cuivre, et se coucha nonchalamment auprès.

En attendant la nuit Dent-de-Loup, qu’on a dû reconnaître, employa le temps à mâcher des balles de plomb dont était rempli un sac en peau de daim qui pendait à sa ceinture, à côté d’une corne de buffle pleine de poudre. La nuit était arrivée quand il eut ainsi rendu rugueuse la dernière de ses balles, longue opération qu’il eut soin d’entrecouper en fumant de temps à autre dans un calumet qu’il avait creusé et ciselé de ses propres mains.

Le sauvage se mit alors à amasser des branches sèches dont il alluma bientôt un feu sur le bord du torrent et dans l’anfractuosité d’un rocher. Les larges