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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

John Harthing et Dent-de-Loup échouer dans leurs entreprises, on aurait pu voir un homme de haute taille se livrer à d’étranges occupations, à l’endroit même que nous venons de décrire.

Il était onze heures et sombre était la nuit. De gros nuages noirs qui roulaient au ciel avaient caché peu à peu quelques rares étoiles dont la dernière venait de jeter un suprême rayonnement avant que de s’éteindre derrière un écran de vapeurs sombres.

Le vent soufflait avec force. Tantôt il rasait la cime des grands arbres qu’il semblait alors effleurer comme d’une caresse de titan ; tantôt il descendait sur eux avec furie, et, les étreignant comme à bras le-corps, il secouait avec frénésie les vastes troncs qui gémissaient sur leurs racines, et dont les branches semblaient haleter dans cette lutte formidable.

L’effet que le vent produit, en automne, sur les arbres dépouillés de leurs feuilles a quelque chose de lugubre, quand surtout la nuit y ajoute son prestige. Les branches dégarnies sont comme autant de bras gigantesques dont les os dénudés se croisent et s’entrechoquent dans une ronde échevelée. On dirait une danse macabre composée de ces gigantesques enfants du Ciel et de la Terre, revenant dans les nuits d’orage lancer de vains défis à la divinité qui les a vaincus.

Cet homme dont la présence à pareille heure et dans un endroit si écarté, devait cacher quelque mystérieuse intrigue, avait, durant la dernière moitié du jour, parcouru et examiné avec soin la rive sud de la rivière, depuis les chutes jusqu’aux marches. Bien qu’il eût herborisé pendant toute l’après-midi, il n’avait apparemment trouvé que le soir la principale plante qu’il cherchait ; car au moment où le soleil disparais-