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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Le major désirant apprendre où en était l’état des affaires à Montréal, et voyant le comte en colloque avec ses réflexions, s’adressa au jeune Bienville qui ne demandait pas mieux que de se délier un peu la langue après un bon repas.

— Monsieur de Bienville, lui dit le major, parlez-moi donc du général Winthrop et de son expédition contre Montroyal.

— Oh ! Winthrop n’est pas beaucoup à craindre, par le temps qui court.

— Comment cela ?

— Eh bien ! major, vous savez qu’à la première nouvelle du projet d’incursion des Anglais, monsieur le gouverneur était monté à Montroyal pour ordonner la levée générale des troupes et des milices. Nous étions donc douze cents hommes réunis à la Prairie-de-la-Magdeleine, tous brûlants du désir de nous escrimer un peu avec l’Anglais et de lui ôter, une fois pour toutes, l’envie de revenir à la charge, quand de singulières nouvelles nous arrivèrent du lac Saint-Sacrement.[1] Il s’agissait d’abord de jalousie entre les chefs de l’expédition, Winthrop réclamant le commandement de toute l’armée, tandis que plusieurs autres officiers nourrissaient les mêmes prétentions ; sans compter que les Iroquois, les Loups et les Sokoquis, tous Indiens alliés des Anglais, désiraient conserver leur indépendance et n’obéir qu’à leurs chefs ordinaires.

Puis, la jalousie commençait à tourner à la discorde, et la discorde au désordre, quand la petite vérole arriva tambour battant dans leur camp.

Ce fléau fit bientôt de tels ravages, que les sauvages,

  1. Aujourd’hui le lac Georges.