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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

quer la peine qu’il avait eue à les boutonner. — Mais certainement, et sans mon cousin Pierre Martel, dit Bras-de-Fer, qui, lui seul, a jeté du haut en bas du cap les trois premiers Anglais montant à l’assaut, et a ensuite donné l’alarme, c’en était fait de nous.

— Ah ! ma bonne Sainte-Anne ! s’écriait une commère dont la courte jupe de droguet laissait voir une belle paire de mollets charnus. — Sait-on s’ils étaient nombreux ?

— Nombreux ! la mère, lui dit pour s’amuser un soldat qui passait ; il y en avait déjà deux cents dans la rue Sault-au-Matelot.

— Pétronille ! Pétronille ! courut dire la femme à une amie. Sais-tu combien il y avait d’ennemis dans la rue Buade, lorsqu’on les a mis en fuite ?

— Non.

— Cinq cents, ma bonne ! Nous l’avons paru belle, hein ! Car, vois-tu, ça n’a point de pudeur ces Anglais-là.

Plus loin, monsieur le premier bedeau de la paroisse racontait, au grand ébahissement des badauds qui l’écoutaient en grelottant, les pieds nus dans leurs souliers, comment la place avait failli sauter ; l’ennemi ayant, disait-il avec effroi, creusé une mine épouvantable sous la haute ville. Et il était en train de leur expliquer comment un boulet, parti de la flotte anglaise, était venu miraculeusement en couper et en éteindre la mèche allumée, quand les gardes du gouverneur, portant Boisdon sur un brancard, sortirent de la maison de Louis d’Orsy.

En ce moment, monsieur le bedeau reçut un violent coup de coude au creux de l’estomac, ce qui lui fit perdre la respiration et coupa le fil de son discours.