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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

— Mes bons messieurs !…

— Écoute-moi donc ! Il ne te reste plus qu’à tâcher de mériter notre clémence par des aveux sincères. Dis-nous tout ce qui concerne l’enlèvement de Mlle d’Orsy. Et ne va pas mentir ! Tu sais que je suis le fiancé et M. d’Orsy le frère de cette dame, et que nous serons inexorables. Dis donc la vérité ; car, pour ma part, je suis homme à te faire rentrer dans la gorge, avec la pointe de cette épée, le premier mensonge que tu voudras nous faire.

— Ah ! je vous dirai tout, tout ! s’écria l’hôtelier.

Sans attendre aucune interrogation, il se mit à raconter la part active qu’il avait prise à l’évasion de Dent-de-Loup, et fit le récit de ses machinations avec l’Iroquois puis de sa participation au complot tramé contre la famille d’Orsy. De temps à autre un gémissement, un cri de douleur, causés par sa blessure entrecoupaient sa narration.

Quand il eut fini, d’Orsy lui dit d’une voix brève :

— Et qui nous assure qu’il n’y avait entre Harthing et toi aucune entente pour introduire les Anglais dans la place !

— Sur ce qu’il y a de plus sacré ! sur mon âme ! sur ma part du paradis ! par mon saint patron ! par le Dieu qui m’entend ! je vous jure que jamais il ne s’est agi d’une telle chose entre nous !

— Reste à savoir, dit Bienville, si l’on peut se fier à la parole et même au serment d’un homme qui n’a pas hésité à nous sacrifier pour quelques onces d’or.

— Oh ! je ne mens pas ! croyez-moi ! repartit l’hôtelier avec véhémence et de ce ton sincère qui émane de la vérité. Franchement, je ne croyais servir l’Anglais que pour une simple amourette, laquelle se serait terminée par un bon mariage que vous auriez