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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Car à cette époque, si les serviteurs aimaient leurs maîtres avec dévouement, ces derniers s’attachaient en proportion à leurs vieux domestiques qu’ils considéraient toujours comme faisant partie de la maison (domûs) et non comme des valets.

Les curieux qui remplissaient la chambre s’écartèrent en ce moment avec respect devant un nouveau venu.

— Monseigneur le gouverneur, chuchotait-on. C’était le comte.

Il s’approcha d’abord de Mlle d’Orsy devant laquelle il s’inclina en disant :

— Permettez-moi, mademoiselle, de vous féliciter d’avoir échappé presque miraculeusement au péril qui vous a menacée de si près. Si j’avais pu prévoir que vous courriez un tel danger ici, je vous aurais tout d’abord offert l’hospitalité au château. Mais grâce au ciel, il en est temps encore ; aussi veuillez bien vouloir accepter l’offre de la chambre que j’avais fait meubler pour madame la comtesse, et qui hélas ! n’a jamais été habitée, fit le vieillard avec un long soupir.[1]

Le comte qui se vit entouré d’une foule de curieux indiscrets, se tourna vers eux avec hauteur et dit :

— Nous désirerions être seuls.

Ce qui fit disparaître les importuns comme par enchantement.

— Mais vous, monsieur de Bienville, où étiez-vous donc pendant qu’on enlevait mademoiselle ? demanda le gouverneur au jeune homme.

  1. On sait que Mme de Frontenac n’aimait pas son mari qu’elle ne voulut jamais suivre au Canada. La cour offrait en effet plus de jouissance à la coquette que la pauvre colonie.