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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

avec attention les bords escarpés du cap éclairé sur ce seul point par la lumière rougeâtre des flambeaux.

Dent-de-Loup n’a qu’un seul parti à prendre, celui de sauter par-dessus la barricade, haute de six pieds, et de passer par surprise au beau milieu de ses ennemis. Il n’hésite pas, et prenant sa course, il arrive auprès du retranchement sans être entendu, grâce aux mocassins qui étouffent le bruit de ses pas. Lancé fortement par ses jarrets nerveux, il franchit l’obstacle, passe comme un éclair devant les yeux des soldats ébahis, et retombe sain et sauf de l’autre côté, en continuant de dévorer l’espace qui le sépare encore de son canot.

Celui-ci n’est plus à sa place.

Un cri rauque s’échappe du gosier de l’Iroquois qui se jette alors tête baissée dans la rivière.

À peine a-t-il nagé quelques brasses, qu’il voit à dix pieds devant lui, une pirogue balancée par le flot dans l’ombre, tandis que la silhouette d’un homme qui la monte se dessine vaguement sur la surface de l’eau.

Craignant une surprise, le sauvage va plonger pour éviter un ennemi, lorsqu’une voix bien connue l’appelle par son nom.

Il est sauvé ; John Harthing est l’homme du canot. Protégé par je ne sais quelle puissance occulte, l’Anglais avait roulé, roulé, puis rencontré un petit arbre qui, tout en cassant sous le poids de son corps, avait amorti la violence de sa chute.

Arrêté de nouveau par un second arbuste, il s’était enfin retenu après des racines qu’il saisit d’une main désespérée. Bien que contusionné en plusieurs endroits, Harthing n’avait cependant aucune fracture, aucune blessure dangereuse. Se laissant donc