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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

cou, soulève son ennemi au-dessus de sa tête et le rejette en avant dans le gouffre béant à ses pieds.

L’Anglais tombe, rebondit et roule sur le flanc escarpé du roc.

Cette lutte avait été pourtant si courte, que les compagnons de Pierre qui franchirent les premiers le rempart de palissades, n’arrivèrent sur les lieux qu’au moment où Harthing tomba.

Un déchirant cri d’angoisse monta du fond des ténèbres qui baignaient la rue Sault-au-Matelot ; on entendit le bruit produit par la chute d’un corps lourd sur des branches sèches, et ce fut tout.[1]

Dent-de-Loup, plus prudent que l’Anglais, s’était tenu coi tout d’abord en sa cachette ; mais quand il eut vu les soldats disparaître à la poursuite de son compagnon, il se glissa doucement le long de la clôture en descendant vers la basse ville. Arrivé près de la porte-cochère du palais de l’évêque, il escalada la palissade, et, voyant que tous les Canadiens avaient sauté dans le jardin du Séminaire, il se coula sans être aperçu vers l’endroit du cap qui lui était familier. Il se laissa glisser sur le flanc du roc et prit pied sans encombre dans la rue Sault-au-Matelot.

Ici l’attend un sérieux obstacle ; car les trente hommes chargés de défendre la barricade ayant été réveillés par le tintamarre des canons anglais et par les rumeurs et les détonations d’armes à feu qui leur venaient des remparts, au-dessus de leur tête, étaient sortis en toute hâte de leur corps de garde improvisé.

Ils viennent d’allumer des torches et examinent

  1. La tradition nous apprend que c’est à une chute à peu près semblable que la rue Sault-au-Matelot doit son nom.