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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

mieux, en ce moment, la paillasse commune que cette terre humide ; sans compter… Mais bon Dieu ! qu’est-ce là ?

Une clarté subite venait d’illuminer la nuit ; Boisdon sentit le sol trembler sous son corps, tandis qu’un jet de terre et de sable le couvrait des pieds à la tête, et que plusieurs fortes détonations ébranlait le tympan de ses oreilles.

C’était le feu de l’artillerie anglaise qui, au même instant, forçait Harthing à précipiter sa retraite avec Dent-de-Loup. Phips exaspéré des avaries que ses vaisseaux avaient essuyées, s’était avisé de troubler au moins le repos des assiégés et avait ordonné de faire quelques décharges d’artillerie sur la ville, à l’heure où les habitants devaient y sommeiller.

Quelques boulets qui viennent s’enfouir non loin de l’endroit où se tient Jean Boisdon, réchauffent au plus haut point chez ce dernier l’instinct de la conservation, qui se manifeste aussitôt en lui par une frayeur des moins dissimulées.

— Jésus Dieu ! préservez-moi ! s’écrie-t-il en se levant tout debout, sans penser qu’il peut être remarqué par le premier passant.

— À terre ! où tu es mort ! lui dit une voix sourde et contenue, tandis que la pointe aigüe d’un poignard s’appuie sur sa poitrine.

C’est Dent-de-Loup qui vient de retraverser la rue avec Harthing.

Cédant à la force d’un bras vigoureux, Boisdon se laisse glisser à terre en grelottant de frayeur.

— Impossible de franchir le mur à présent, avec la jeune fille, murmure Harthing ; car ces hommes ne sont plus qu’à vingt pas de nous. Et le baril qui va sauter ! Par Satan ! cette mèche aura brûlé jusqu’au