Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
FRANÇOIS DE BIENVILLE.

avec une mèche fixée à l’un des bouts du barillet, rejette dans la cuisine la bougie qui s’éteint en tombant ; et, sans prendre le temps de refermer la porte, vu que les pas du dehors deviennent de plus en plus distincts, il court rejoindre Harthing qui déjà rampe avec sa proie dans l’ombre.

Afin de rendre plus mystérieux l’enlèvement de Marie-Louise, Harthing avait imaginé de faire sauter et d’incendier la maison, pour laisser ainsi croire qu’une bombe avait pénétré, puis éclaté dans la demeure de Louis d’Orsy. Car il savait que l’amiral devait recommencer le bombardement durant la soirée.

Spectateur enchaîné, Bienville a tout vu, tout entendu. On enlève son amante… il ne peut la secourir… et le feu consumant la mèche va se communiquer au volcan…

Il concentre ses forces, et raidit ses membres qu’il fait se détendre violemment contre les liens qui le retiennent ; mais ces derniers résistent, car Dent-de-Loup les a choisis neufs.

Ô rage ! ô désespoir !

Vingt fois Bienville se tord contre la corde qui l’enchaîne, et vingt fois ses muscles épuisés craquent à se rompre dans leurs impuissants efforts…

Une sueur froide enveloppe son corps comme du linceul de l’agonie…

C’en est fait, il lui faut mourir ! Car il voit dans l’ombre la lueur tremblotante de la fusée dont chaque étincelle ronge, en pétillant, le faible lien qui le tient suspendu sur son éternité…